Un livre blanc de Philippe Vasset

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Zones blanches

Dernier livre de mon repérage initiale de la rentrée littéraire, « Un livre blanc » conte la tentative d’un géographe amateur en mal de découvertes. Toutes les terres vierges de cette planète étant aujourd’hui foulées par les pieds de l’Homme (et scrutées par satelite), Philippe Vasset s’est donc lancé à la conquête des zones blanches de la capitale et de ses environs. De friches urbaines en bâtiments abandonnés, cet archéologue du contemporain et de l’urbain, armé de sa carte n°2314 OT de l’Institut Géographique National, a erré pendant un an dans ces zones où la carte n’indique rien. Il pensait y trouver des trésors cachés. Mais, de cette tentative d’épuisement de lieux parisiens à l’opposé de la place St Sulpice, le narrateur rapporte le récit d’un quotidien plus sombre : bidonvilles, dépotoir, commerce illicite (mais aussi un jardin secret)… bref tout ce que la ville essaie de cacher se retrouve dans ces lieux sans nom.

« A peine entamée, mon expédition s’éloignait du chemin tracé : en lieu et place des mystères espérés, je ne trouvais qu’une misère odieuse et anachronique, un bidonville caché aux portes de Paris. C’était le premier d’un long défilé (…) . A chaque fois, que ce soit devant les cabanes édifiées sous le pont de l’A86, sur les berges du canal Saint-Denis ou dans les salles aménagées par les fumeurs de crack dans les anciens entrepôt de la Sernam, porte d’Aubervilliers, ma naïveté m’éxapérait : venu chercher du merveilleux et ne découvrant que ruine, je me faisait l’effet du capitaine Haddock qui, au début des Bijoux de la Castafiore, s’étonne que des gitans vivent dans une décharge. »

Assis confortablement chez moi, je pénétrais avec l’auteur dans ces mondes parallèles à deux pas de mon canapé . J’entrais par effraction derrière les palissades qui protègent ces lieux (… protègent de quoi d’ailleurs ? Nous protègent surement). Bien sûr, je suis bien trop peureuse pour suivre en vrai les traces de l’auteur, mais le mystère que dégage ces lieux m’attire.
Une fois, j’ai eu l’occasion, dans le cadre de mon travail, d’explorer une des zones blanches décrites dans le livre, proche du parc des Chanteraines. Et là, un table de fortune, un vestige de feu de camp, quelques indices d’une vie sur ce terrain vague envahi par la végétation… et mon imagination s’emballe. Naïve moi aussi, j’ai toujours l’impression qu’il recèle des trésors perdus, du merveilleux. Je me souviens aussi de cette maison abandonnée, dans le quartier de mon enfance, terrain de jeux formidable, où nous reconstituions la vie des habitants avec les objets qui les avaient entourés et qui n’avaient pas bougés : lettres, photos, …

Mais en règle générale, je préfère vivre ses moments virtuellement, par livres ou sites interposés. Outre la lecture de ce livre blanc et la consultation du site blanc qui l’accompagne, j’ai pu déambuler ces dernières années, sans bouger de chez moi au travers des pièces d’un hôpital abandonné (the hospital) ou dans un cimetière anglais (steatham cimetery). Ma digression s’arrête là, vous pourrez reprendre une activité normale, si vous n’êtes pas déjà parti.

9 réponses à “Un livre blanc de Philippe Vasset”

  1. Avatar de emma et son chat

    Fascinant ! L’idée ne m’avait même jamais traversé l’esprit.
    C’est dans ces moments là que je prends conscience d’à quel point j’ai grandi et évolue dans un milieu privilégié : pas forcément financièrement mais dans une bulle d’amour, tenue loin et dans l’ignorance de ces zones blanches.
    Je n’aurais jamais le courage d’explorer moi-même. Je n’en suis pas très fière mais j’avoue que je ne sais même pas si je supporterais d’être exposée à cette vérité crue à travers un livre.
    Moi et mon monde de Bisounours : merci maman, merci papa !

  2. Avatar de laeti

    Non pas de photos dans le livre mais des cartes. Pour voir les photos, il faut aller sur le site blanc (j’ai mis le lien dans mon billet).

  3. Avatar de Mamzelle Soso

    J’ai souris cliquer sur le lien… Bouh ça fait presque peur, on se croirait dans un film de science fiction ! Paradoxe : j’adore les milieu urbains parallèles, la vie cachée de nos citées, ça me fascine !

  4. Avatar de laeti

    Mamzelle Soso > Tout pareil pour moi : fascination mais en même temps effroi.

  5. […] Comme je le disais ici, j’ai un penchant pour les zones urbaines oubliées. Je suspecte dans les lieux délaissés des mystères cachés, des traces de vie, une certaine nostalgie aussi. Quand on détruit un bâtiment, comme ici, les appartements se découvrent : là, il y avait un escalier, ici les restes de carreaux de faïence et ce porte savon encore accroché laisse deviner l’emplacement d’une salle de bain. Ailleurs les pièces se délimitent selon les papiers-peints et les peintures. Des gens ont vécu ici, mais bientôt un nouveau bâtiment sera construit et effacera toute trace du passé. Ne restera plus que le souvenir. Cette poésie du quotidien (cannibale ?) est réhaussée ici des messages qu’on est venu écrire avec application. […]

  6. Avatar de Bricki

    Oui, tout ça me laisse rêveuse… Tellement que j’en ai fait un blog (CITY NOBODY) !

  7. […] grand-parents, comme les fabuleuses ruines immortalisées par Yves Marchand et Romain Meffre, comme ma visite (depuis mon canapé) des zones blanches de la capitale ou toute promesse de découverte d’un lieu dont on peut imaginer l’histoire à travers […]

  8. […] vous ai déjà parlé de mon attrait pour les friches urbaines et les bâtiments désaffectés. Mon imagination débordante adore s’y inventer des histoires, fouiller, dénicher une carte […]

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